Mémoire et Justice : une formation pour les magistrats à la maison d'Izieu

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Le 7 octobre 2024, la DILCRAH a proposé pour la première fois, dans le cadre de la formation continue déconcentrée des magistrats en partenariat avec l’École nationale de la Magistrature et la Maison d'Izieu, une journée dédiée aux magistrats en poste sur les Cours d’appel de Lyon, Grenoble et Chambéry.

Cette journée a été ponctuée de moments forts, destinés à apporter des éléments de réflexion dans leur travail quotidien autour de la mémoire et de l’acte de juger. L'objectif était d'explorer comment le passé peut éclairer le présent dans la lutte contre les discriminations et les crimes de haine, dans ce lieu de mémoire emblématique dédié aux 44 enfants juifs déportés durant la Seconde Guerre mondiale

Les participants ont abordé l'histoire des enfants d'Izieu, le rôle de la magistrature sous Vichy ainsi que les procès d'après-guerre autour de la rafle d'Izieu à travers : 

 - une visite de la maison avec l'équipe de médiation de la Maison d'Izieu ; 

- une visite de l'espace Justice du musée, la partie "De Nuremberg à La Haye, juger les criminels", en compagnie de Michel Massé, anciennement professeur à la Faculté de droit de l’Université de Poitiers, coauteur de l’exposition, membre du Conseil scientifique de la Maison d’Izieu ; 

- une conférence sur "Juger sous Vichy, juger Vichy" par Jean-Paul Jean, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation et Vice-président de l’association française pour l’histoire de la justice, membre du Conseil scientifique de la Maison d’Izieu ; 

- une conférence sur "la rafle d'Izieu en justice" par Jean- Paul Jean, Michel Massé et Stéphanie Boissard, responsable recherche, documentation et archives. 
 

« La Maison d'Izieu accueille depuis longtemps des groupes d'adultes porteurs d'autorité dans le cadre républicain, comme les enseignants, gendarmes, ou commissaires. Cependant, jusqu'ici, il manquait les magistrats. Le lien est particulièrement fort entre l'histoire d'Izieu et la justice, la rafle des enfants d'Izieu a été au cœur de trois procès majeurs : celui de Klaus Barbie en 1987, mais aussi ceux moins connus de Bourdon en 1947, et de Nuremberg, où la rafle fut utilisée comme exemple de crimes contre l'humanité.

Nous avons travaillé avec des juristes et des universités pour comprendre le rôle des procès dans la construction des mémoires. Ainsi, la formation des magistrats s’inscrit dans la continuité de ce travail universitaire pour offrir des outils de réflexion sur l’impact de ces événements dans l’exercice de la justice aujourd’hui. »

Alexandre Nugues-Bourchat, directeur de la Maison d’Izieu

Depuis 2022, la DILCRAH a noué des partenariats avec des lieux de mémoire afin de proposer des journées de formation continue accompagnées de visites aux agents publics. Ce format inédit poursuit un double objectif : mieux identifier et poursuivre les discours et les actes de haine, et mieux accueillir et accompagner les victimes.

Karine Malara, procureure de la République à Bourg-en-Bresse, a participé à cette formation qui marquait sa première découverte du site. Bien qu'elle ait été préparée, la visite a été chargée d'émotion. En tant que procureure, elle considère cette compréhension historique comme un levier puissant dans sa mission de prévention. Elle a partagé avec nous ses réflexions sur l’importance de ce type d’initiatives pour enrichir son travail au quotidien. 

« L’histoire est une chose, mais être sur place, voir les photos, les rires des enfants et toucher du doigt la réalité de leur vie avant la déportation, c’est incomparable. Je ne m’imaginais pas la jeunesse de certains d’entre eux.

Je pense que le support historique pour nous est quelque chose de fondamental. C'est de savoir d'où on vient mais au-delà de ça, peut-être faire rayonner aussi cette mémoire-là dans l'esprit des plus jeunes collègues, les faire venir, faire connaître autour de soi et s'en servir comme un levier de prévention parce que, avant tout, je pense aussi à la prévention, l'éducation des plus jeunes et ce devoir de mémoire, il est important.

Le devoir de mémoire, c’est essentiel pour l’éducation des plus jeunes, pour les aider à comprendre la portée des mots et des actes. Il est crucial de leur montrer ce que l’histoire nous enseigne, et jusqu’où peuvent mener la haine. »

Karine Malara, procureure de la République à Bourg-en-Bresse

« La DILCRAH poursuit son engagement en renforçant ses partenariats avec des lieux de mémoire, afin de sensibiliser les magistrats aux enjeux du devoir de mémoire. Ces initiatives, liant histoire et actualité, sont essentielles pour mieux comprendre les mécanismes de la haine et de la discrimination, et pour offrir des outils concrets dans la lutte contre ces fléaux. »

Laurence VILLETTE-RICHARD, Conseillère justice et relations internationales

Pierre Truche, ancien procureur général, disait en venant à Izieu avec des groupes : "Regardez la maison et pensez à ce qui s’est passé ici le 6 avril 1944. Voilà la définition même de ce qui est le crime contre l'humanité." Une phrase qui résonne encore aujourd'hui, rappelant que la justice et la mémoire sont étroitement liées dans la lutte contre la haine et les discriminations.

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