Une journée de formation « Juger sous Vichy » pour les magistrats, policiers et gendarmes

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Le 20 décembre 2024, la Cour d’appel de Toulouse a accueilli pour la première fois une journée de formation dédiée aux magistrats, policiers et gendarmes sur le thème « Juger sous Vichy ». Organisée par la DILCRAH en partenariat avec l’ENM et le mémorial de la Shoah, dans le cadre de la formation continue. Cette journée a permis d’explorer un pan essentiel de l’histoire judiciaire française et de réfléchir aux leçons à tirer pour les pratiques professionnelles d’aujourd’hui.

Une conférence historique 

La matinée a débuté par une conférence historique donnée par Virginie Sansico, docteure en histoire et spécialiste de la justice sous l’Occupation. 

Dans une présentation richement documentée, l’intervenante a exploré les mécanismes par lesquels le régime de Vichy a instrumentalisé la justice, transformant les magistrats en rouages d’un système oppressif. Virginie Sansico a appuyé son propos sur des recherches approfondies, notamment issues de ses ouvrages La justice du pire et La justice déshonorée 1940-1944.

« Dans le contexte actuel, il est important d'être très clair sur ce qui s'est passé sous Vichy, comment cela s'est déroulé, comment les magistrats ont réagi à l'époque, et ce que l'on en pense aujourd'hui. Je crois que cela incite à avoir des réflexions sur sa propre pratique professionnelle, à prendre conscience de la vigilance nécessaire pour rester clairvoyant et juste dans nos décisions. Et cela invite à se poser la question qu’est-ce que je ferai sous un régime autoritaire ou raciste ?. »

Céline Azema, coordonnatrice régionale de formation - Magistrate en détachement à l'ENM.

Étude de cas et échanges participatifs

Les participants ont pu explorer des cas concrets de procédures intentées contre des Juifs en France sous l’Occupation. Ces études, également présentées par Virginie Sansico, ont mis en lumière les dilemmes auxquels étaient confrontés les magistrats, policiers et gendarmes. 

Les échanges qui ont suivi ont permis à chacun de partager ses réflexions sur les responsabilités individuelles et collectives face à des ordres injustes.

« J'ai trouvé cette formation très intéressante, les intervenants ont abordé le même thème sous différents angles, ce qui m'a permis de réfléchir de manière plus complète sur cette période. C'est toujours intéressant d'avoir une réflexion de fond sur le sens de la justice, surtout en repensant à la manière dont les jugements ont été rendus pendant la 2ème guerre mondiale. Même si nous ne sommes plus dans ces situations aujourd'hui, cela nous aide à rester conscients de l'importance de la vigilance dans nos pratiques actuelles. »

Laure Gabineau, vice-présidente au tribunal judiciaire de Toulouse

Un après-midi tourné vers les violences de masse et la mémoire

L’après-midi s’est poursuivi avec une intervention de Iannis Roder, responsable des formations au Mémorial de la Shoah et agrégé d’histoire, intitulée « Moteur des violences de masse ». 

Enfin, la journée s’est achevée par une visite guidée du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation, une immersion dans l’histoire locale et nationale. Le conférencier du musée a offert une vision poignante des luttes et sacrifices de celles et ceux qui ont résisté à l’oppression, un rappel nécessaire de l’importance de défendre la justice et les valeurs républicaines.

« Les conférences permettent de sortir du cadre habituel des formations professionnelles pour se recentrer sur des questionnements plus larges. Elles offrent une occasion de se décentrer chronologiquement et géographiquement, et de reconsidérer nos pratiques professionnelles ou personnelles à l’aune de périodes aussi particulières. Concernant la visite au musée, je la mène régulièrement auprès de différents publics, allant des scolaires aux étudiants et aux associations, et je trouve que c’est souvent une question d’adaptation du vocabulaire plutôt que du fond. »

Tristan Rouquet, chargé d'appui scientifique et culturel au musée de la résistance et de la déportation et docteur en sciences politiques

Avec plus de 50 participants, cette formation a été un franc succès, tant par la richesse des interventions que par les échanges entre professionnels. 

La journée « Juger sous Vichy » illustre l’importance de maintenir la mémoire vivante tout en renforçant les pratiques professionnelles d’aujourd’hui. 

Un grand merci à tous les intervenants et participants pour leur contribution à cette réflexion collective essentielle.

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