Antisémitisme
L’antisémitisme est la perception des juifs pouvant s'exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou de leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives (définition de l'IHRA approuvée le 3 décembre 2019 par l'Assemblée nationale et le 5 octobre 2021 par le Sénat).
L’antisémitisme est inscrit dans l’histoire la plus ancienne de l’Europe. Il présente cette spécificité d’y avoir été présent et d’y être encore présent, à des degrés divers, dans tous les pays. La haine des Juifs a fait l’objet d’une double théorisation.
Religieuse d’abord, les Juifs ayant refusé de se convertir au christianisme, lequel les a présentés jusqu’à une date récente comme responsables de la mort de Jésus.
Puis une théorisation raciale, stigmatisant un peuple d’origine « sémite » qui avilirait les peuples « aryens ». Les Juifs ont été victimes, dès le Moyen Age, de meurtres de masse, de discriminations nombreuses (interdiction de certains emplois, déni de citoyenneté jusqu’à la Révolution française).
La « destruction des Juifs d’Europe » durant la Seconde guerre mondiale, par son caractère extraordinairement systématique et sa planification « industrielle », défie l’entendement au-delà de toute explication rationnelle et reste un moment singulier de l’histoire humaine. La France mit longtemps à en prendre conscience et à reconnaître la complicité du régime de Vichy dans ce génocide.
L’antisémitisme contemporain se nourrit en effet, encore aujourd’hui, des conflits politiques, en particulier au Moyen-Orient, ou des crises économiques et sociales. Phénomène en mutation constante, il est inscrit dans l’inconscient collectif et se retrouve dans des expressions d’extrême-droite (négationnisme, qui est le fait de nier la réalité des chambres à gaz nazies et de l’extermination dans les centres de mise à mort), mais aussi d’extrême-gauche (expression d’une hostilité de principe à l’existence de l’État d’Israël.
Souvent, l’antisionisme véhicule des clichés antisémites et soutient que tous les juifs seraient complices des atteintes portées par l’État juif aux droits des Palestiniens).
Lorsqu’il s'exprime sous forme :
- de propos injurieux ;
- de comportements discriminatoires (traitement défavorable de personnes, se trouvant dans une situation comparable, dans le domaine de l'emploi, de l'éducation, d'accès à la location...) ;
-
de violences physiques.
Entre 1940 et 1945, près de 6 millions de Juifs d’Europe sont assassinés par le régime national-socialiste mis en place en Allemagne par Adolf Hitler. C’est ce que l’on appelle l’Holocauste ou encore la « Shoah ». Mais beaucoup de gens dans le monde pensent qu’il s’agit d’un mythe fabriqué de toutes pièces ou que l’histoire de ce génocide a été grandement exagérée. Ils sont influencés par une propagande antisémite diffusée dès l’après-guerre par les négationnistes. Ces derniers ignorent avec acharnement les documents et témoignages qui illustrent la réalité de la Shoah. Ils s’évertuent à mettre en doute les faits les mieux établis, à falsifier les preuves du génocide et à expliquer qu’une vaste conspiration mondiale empêche la vérité d’éclater au grand jour.
Repères et éléments de compréhension à propos de la définition de travail de l’antisémitisme endossée officiellement par la France lors du discours du Président de la République le 20 février 2019
1. D’où vient cette « définition » ?
La définition de travail a été produite et adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste (IHRA). L’IHRA est une organisation intergouvernementale, fondée en 1998 et qui regroupe gouvernements et experts dans le but de renforcer et promouvoir l’enseignement de la Shoah, la recherche et la mémoire. Elle compte 31 membres, majoritairement des Etats membres de l’UE dont la France mais aussi les Etats-Unis, Israël et le Canada.
L’IHRA a adopté le 26 mai 2016 par consensus une définition « non contraignante », dite de travail, de l’antisémitisme. L’ensemble des membres, dont la France, a donc, de fait, donné un avis favorable à cette définition.
2. De quoi s’agit-il ?
Au sens strict, la « définition » est extrêmement courte :
« L’antisémitisme est une certaine perception des juifs, pouvant s’exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives. »
Le document de l’IHRA se veut cependant un guide destiné à mieux identifier les incidents antisémites, dont il rappelle qu’il peut « être exprimé par le biais de discours, d’écrits, de formes visuelles et d’actions, et fait appel à des stéréotypes sinistres et des traits de caractère négatifs. », et prendre la forme de théories conspirationnistes.
Il précise également que « l’Etat d’Israël, perçu comme une collectivité juive, peut aussi être la cible de ces attaques. ».
La courte définition est donc complétée par une série d’exemples, destinés à l’« illustrer » – et donc à permettre de mieux identifier les actes antisémites. Parmi ces exemples, sont notamment cités : « les mythes sur une conspiration mondiale juive », le négationnisme, sous toutes ses formes (y compris l’accusation faite contre les Juifs et/ou Israël d’exagérer l’holocauste ».
Parmi ces exemples, plusieurs sont en rapport avec l’Etat d’Israël. Attention cependant : les termes de sionisme et d’antisionisme ne figurent pas dans cette déclaration. Les exemples sont également formulés avec attention, afin de ne pas empiéter sur la liberté d’expression.
On peut citer notamment : la négation du droit à Israël d’exister (ex : « l’existence d’Israël est une entreprise raciste »), la comparaison avec le nazisme, l’usage de stéréotypes antisémites pour caractériser Israël, le fait de tenir les juifs de manière collective pour responsables des actions de l’État d’Israël…etc.
Le document précise bien, cependant que « les critiques à l’égard d’Israël comparables à celles exprimées à l’encontre d’autres pays ne peuvent être qualifiée d’antisémites ».
3. A qui s’adresse la définition ? Quelles conséquences concrètes ?
Cette définition n’est pas « juridiquement contraignante », et n’a pas vocation à l’être. La loi réprime en effet d’ores et déjà les crimes et délits commis « à raison » de l’origine ou de la religion mais ne mentionne aucune d’entre elles. Elle ne créé évidemment pas de nouveau délit, et ne vise pas à « réprimer l’antisionisme ».
La définition de travail est donc destinée d’une part, à faire connaître et comprendre ce qu’est l’antisémitisme, d’autre part, à éclairer la caractérisation des faits et incidents antisémites. Elle vise donc notamment les milieux scolaires et universitaires : elle pourra donc, sans exclusive, être utilisée dans des contextes de formation, dans des lexiques, manuels, guides pour l’enseignant etc… Elle sera également utile pour les formations et les vademecum destinés aux forces de l’ordre et les magistrats. Cette définition pourra donc aider à mieux prouver les circonstances aggravantes des crimes et délits antisémites.
4. « L’adoption de la définition »
Le Parlement européen a pour sa part adopté une résolution (sans effet contraignant) le 1er juin 2017 appelant les États membres de l’UE à adopter et appliquer la définition de l’antisémitisme de l’IHRA.
A ce stade, six États ont formellement adopté ou endossé la définition de l’IHRA au niveau national : Roumanie (mai 2017), Israël, Autriche (avril 2017), Bulgarie, Allemagne (septembre 2017), Royaume-Uni (décembre 2016).
Sur le plan national, le discours du Président de la République lors du dîner du CRIF de février 2019, s’inscrivant dans la continuité de son discours prononcé le 16 juillet 2017 lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, a de fait constitué un « endossement de la définition » par la France.